[Marina] Une histoire de petits points
J'adore les petits points, vous savez, ce signe là en ponctuation ... Gramaticalement parlant, le terme exact serait les points de suspension car justement, ils laissent la phrase en suspens, comme si un mot, le primordial, celui qui donnera la certitude de la suite, s'était perdu dans la 7° dimension. Arrivent alors les si qui inventent les mondes hypothétiques des possibilités infinies que donnent à entrevoir ces trois petits points. Ces points-là c'est l'espérance.
Lorsque le blog Passeur de sciences a relayé le petit programme d'Adam Calhoun en se demandant si le style d'un écrivain pouvait se reconnaître à sa ponctuation, forcément, cela a éveillé ma curiosité. Et concernant ces petits points, on peut dire qu'il y a des écrivains qui aiment jouer avec l'incertitude des phrases suspendues, et d'autres qui sont plutôt tranchés dans leur un point c'est tout. Du coup j'ai été curieuse de prendre la ponctuation de l'un de mes articles, ce qui donne ça :
Ponctuation de l'article "Couture sportive"
Je m'aperçois donc que, outre ces petits points sporadiques, j'utilise des phrases à tiroirs, ponctuées de parenthèses interrogatives. Mes articles ressemblent donc à des commodes avec des tiroirs sans fond. Vous ne saurez jamais ce qu'il y a à l'intérieur...
Et en couture alors? Notre style peut-il également se reconnaître à nos petits points?
La robe Marina...
Marina est la robe de la collection Printemps-été 2015 de République du Chiffon. Elle a une encolure carré, un buste aux découpes princessess, une taille ceinturée légèremment descendue et un petit air des années 50. Elle est relativement simple à coudre et avec du recul, je me dis qu'elle serait également relativement simple à patronner. Bref, pas vraiment le patron qui justifie entièrement son investissement. Mais, parfois le coeur a ses raisons que la raison ignore. Ce qui explique de manière résumée le pourquoi du comment Marina s'est retrouvée aux côtés de Josy (ma MAC) au Brésil.
Je l'ai cousu en taille 36, en décidant d'ignorer superbement le fait que mes vraies mesures de hanches sortaient des limites annoncées du 36. Marina c'est une chic fille parce qu'elle a accueillie mes rondeurs fessières à jupe ouvertes. C'est la magie des fronces.
Cette robe est totalement bureau-compatible. la collègue idéale qui vous accompagne à la pause café ou aux toilettes, et qui vous écoute patiemment parler sans vous interrompre. Avec des ballerines ou des talons, une veste tailleur sobre, Marina a la classe.
En résumé, le paron en lui-même ne vaut peut être pas son prix mais il y a de très grandes possibilités de le rentabiliser à fond... (petits points de suspension pour marquer et souligner l'étendue des possibilités qui s'offrent à vous, à multiplier exponentiellement avec la multitude de tissus en votre possession actuelle ou future. J'adore ces petits points!)
...et ses petits points
Parlons-en donc de ces points! En eux-mêmes, ils ne montrent que difficilement la patte de la couturière : ils sont droits, en zigzag ou avec des variations de broderie en fonction des possibilités de votre machine. Autant certaines ont des caractéristiques percutantes type : petit col blanc (je ne citerai personne!), une passepoilite aïgue (insoignable paraît-il), une noeudrochite version grave (okaaaay j'avoue)... Mais tous ces détails sont des petites améliorations ajoutées au modèle, un peu tel l'écrivain qui rajouterait un petit jeu de mots jambesque type pas-de-bourrée, toupie, arabesque.
Si on fait une autopsie un peu plus poussée de Marina, on trouve quelques petits balbutiements de style :
- McGyver : J'ai plus d'entoilage termocollant, c'est pas grave, je prend des restes de toile que j'assemble à la surjetteuse ni vue ni connue. En couture noire, hein, parce que c'est un peu pénible de changer 4 bobines de fil à chaque fois. Non, mais, ho! On peut dépanner mais on ne va pas faire de miracle non plus!
- "jte-dis-que-ça-passe" : la fermeture invible de 40 cm alors qu'il est bien spécifié qu'il en faut une de 60cm, mais qu'elle n'est pas dans notre stock, et que donc il faudrait faire une expédition urbaine, tout là-bas dans le centre ville à 1h30 de chez moi, et que je vais perdre ma demi journée alors que je veux ma robe tout-de-suite-maintenant. Bref c'est tranché : je me contorsionerai pour enfiler ma robe le matin et ça passera je vous dis.
- le point zigzag c'est la vie : presque autant que le point droit (la base de la base). Josy, MAC première de son nom, n'a pas beaucoup de possibilités de points (21 en tout) et le point de surjet, elle ne connaît pas. A la place, le point zig-zag fait son job, consommant sur son passage quelques centaines de mètres de fil.
- je déteste mais je fais quand même : les finitions à la mains. Autant être claire : je hais! Je rêve d'une mention sur le patron /!\ finitions à la main. Autant vous dire que je partirai en courant. C'est peut être d'ailleurs pour cette même raison que cette mention n'existe pas.
Entre la commode à mots et le McGyver du bout de ficelle, ce serait intéressant d'avoir une analyse freudienne de la question... Et vous, c'est quoi votre style?