[Influence] Seda dress au Restaurant de Panurge
"Il me faut absolument ce patron immédiatement!" Quand cette phrase sort des tréfonds de votre conscience et se répète inlassement, tel un écho, dans votre petite tête qu'elle remplie toute entière, vous n'avez pas vraiment le choix, il vous faut passer à l'action. Et devenir l'heureux(se) propriétaire de ce bout de papier réel ou digital qui assouvira votre envie irrépréssible et vous laissera quelques instants de répits paisibles... jusqu'à la prochaine obsession urgente et toute puissante. On est bien peu de choses face à ce mécanisme impitoyable! Et c'est ce qui s'est passé concernant mon achat de la Seda Dress, dernier patron de Pauline Alice. Mais quelles sont donc les raisons, évidentes ou cachées, qui nous poussent à acheter un patron et pas tel autre?
Une question de valeur
La plupart du temps, mes achats sont raisonnés. J'ai une liste de critères qui va m'aider à décider au moment de mon achat. Quand il s'agit d'un patron :
- je vais déjà vérifier que je n'en ai déjà pas un similaire dans ma patronthèque maintenant bien fournie,
- qu'il a un détail technique intéressant et qu'il va m'apprendre quelque chose,
- qu'il est adapté à ma morphologie (je tire les leçons de mes erreurs précédentes!) et à mon style,
- que son prix est "raisonnable" (chacun aura une définition différente),
- que je ne peux pas en trouver un équivalent dans un Burda ou un La Maison Victor...
- de la qualité et de la réputation de la marque etc.
Mais, j'ai aussi des achats impulsifs. Lorsque vous travaillez dans la vente, vous apprenez qu'un client n'achète jamais un produit, il achète de la valeur. Et effectivement, aussitôt le patron de la Seda dress sortie, je me suis projetée dedans, souriante et heureuse, attirant le regard énarmourée de l'Homme, tant ébloui par ma beauté rayonnante qu'il m'en aurait préparé le dîner avec des fleurs. Voilà, j'ai acheté tout ça, pour la modique somme de 8€. La valeur, c'est la signification que prend pour nous le produit, comment il va nous permettre de réaliser nos projets et d'atteindre nos rêves.
Mais... achetez-vous des patrons qui ne vous plaisent pas? Cette question paraît débile tant la réponse paraît évidente? Pourtant il y aura une situation dans laquelle quasiment 40 des gens regrettent leur choix : c'est quand ils sont en groupe. Et notre groupe de couturier(e)s est énorme : il s'appelle la blogosphère.
Panurge, influence et sociabilité
Pour certaines marques d'indiepatterns, il suffit qu'un nouveau patron apparaisse, pour qu'il se reproduise de façon exponentielle, tel un petit lapin, sur les écrans de la blogosphère. Je ne critique personne, participant même activement au phénomène, notamment lorsqu'il s'agit des patrons Deer and Doe. Ces phénomènes de groupe sont tout à fait normaux et sont même une manifestation de la sélection Darwinienne à l'oeuvre. Je vais vous résumer la chose, mais le mieux, c'est encore d'aller lire le topo de Merci Alfred. La préférence du groupe, qui se nomme "sociabilité", est l'une des caractéristiques qui va permettre à l'individu de se reproduire plus et de vivre plus longtemps en faisant partie d'une communauté. En gros, c'est grâce à cette caractéristique sociable que l'espèce humaine se reproduit. D'ailleurs, le cerveau est programmé pour chercher l'aval des autres : lorsque quelqu'un nous like, ou est d'accord avec nous, une autre zone cérébrale s'active, celle liée aux récompenses. Tout ça s'est très chouette... sauf quand le groupe se plante. Appel à témoignage : qui porte encore sa robe à patates japonisante d'il y a 3 ans? (haha, vous l'aviez oubliez celle-là, hein?!). Vous avez peut être également dans votre patronthèque des patrons jamais cousus (oui, vous attendez comme moi la journée de 48h), mais surtout pire : que vous ne comptez jamais coudre un jour et vous demandez même qu'est-ce qui vous a pris d'acheter ça?!
En goupe, il y aurait 2 axes qui font que l'on peut s'éloigner de nos préférences habituelles : on veut s'intégrer au groupe et donc faire comme tout le monde, ou au contraire s'en détacher (et ne faire comme personne). Ou alors, on cherche perpétuellement la nouveauté, ou par peur d'être déçu, on reste dans l'habitude. Le problème, ce n'est pas d'être dans une catégorie ou une autre, c'est de savoir ce que l'on veut vraiment.
En vrai, on sait toujours ce que l'on veut vraiment, le plus dur, c'est de ne pas l'oublier. Depuis que je suis le programme du The wearability project, mes coutures sont planifiées à l'avance en fonction des patrons que j'ai déjà, ou du type de vêtement qui me manque (et la recherche DU patron prend alors la tournure d'une quête du Graal), ce qui me permet contrôler mes achats en les liant à la question : est-ce que je vais porter le vêtement final? est-ce qu'il me correspond? Ce que je trouve génial également, c'est la multiplication des designers de patrons indépendants. Certes, la qualité est variable (mais en même temps, il en faut pour tous les goûts et toutes les bourses), mais on a le choix. Si je souhaite porter un modèle de jupe précis, j'ai la possibilité de faire plein de recherches, et avec un peu de chances, de trouver LE modèle que je cherchais. Ou encore mieux, avec l'agrandissement de la communauté couture, la connaissance circule mieux : il est même devenu possible de trouver toutes les infos pour créer le modèle de nos rêves nous-mêmes!
Le rêve de la Seda dress
Bref, pour en revenir à la Seda dress, vous vous demandez donc impatiemment si l'HomChou m'a concocté un bon dîner? Bon, la réponse est non... Mais il m'a trouvé très jolie, ce qui est en soi, la récompense ultime! Cousue en 36 dans 1,50 mètre de tissu (et une doublure dans un tissu différent), sa réalisation ne m'a pas posée de problèmes particuliers. J'ai normalement une taille plus épaisse que le 36 du modèle, et effectivement, le combo dinde+bûche avait quelques difficultés à passer. Je vais répondre à la question que tout le monde se pose : les manches ne tombent-elles pas? La réponse est non, grâce à un petit élastique, cousu astucieusement entre les coutures du haut de manche, ce qui permet de la maintenir bien en place sans entraver la liberté de mouvement (Bon, en revanche, ce n'est clairement pas la bonne robe pour faire la hola, ni aller danser la salsa, mais pour tenir un verre de champagne, elle est parfaire!).
Par contre, la couture de ce vêtement, en appelle à la réalisation d'un autre : le soutien-gorge sans bretelles et non applatissant (genre, pas le bandeau compresseur qui écraserait toute trace de volume sur son passage). Et là... une nouvelle quête du Graal s'ouvre à moi!