[Chemise Bruyère] Alpinisme et Guerre des Raccords
La chemise, est avec la veste tailleur, la pièce couture que je n'avais encore jamais réalisée jusqu'ici : beaucoup de détails techniques avec des finitions qui, si elles ne sont pas parfaites, ne pardonnent absolument pas... Je me trouvais au pied de mon Mont Blanc en train de me dire "Finalement, est-il bien nécessaire de grimper tout là-haut? Hein, ce bon petit pique-nique, on peut le faire ici, tranquilou en bas avec les marmottes et les chamois?". Je me complaisais donc dans ma petite vallée verdoyante et reposante. Ma petite bulle de tranquilité s'est mise à trembler à la sortie du nouveau patron de Deer and Doe : la chemise bruyère. J'adore les chemises! Mais j'adore vraiment d'amoûûûûr, en mode je ne pourrais porter que ça, au bureau, en mode décontractée avec un petit noeud, en robe, au petit dej' avec une version homme, à la plage, ouverte sur un maillot... Bref la chemise m'est indispensable! D'ailleurs, quand j'étais ado, elle faisait partie de mon "uniforme" quotidien : jean, débardeur et chemise à carreaux ouverte... Oups... heu... le total look Linette à 14 ans!
Tout mon petit troupeau de moutons auquel je faisais partie s'est mis à bêler frénétiquement "fêêêêêsons-la!" j'ai donc suivi le mouvement et ajouté la bruyère à mon panier de pique-nique. Seulement voilà, l'acheter ne demande pas de grands efforts, à part sortir la CB de son sac (sauf si bien évidemment on a décidé pour quelques raisons que ce soit de cacher notre CB dans une petite caisse dont on aurait avalée la clé et de la jeter en haut de l'armoire, mais bon, le détail de la vie privée des gens ne nous regarde pas) mais la réaliser... gloups!
Avant même de commencer avec mon compagnon tissé et mon piolet, heu, mes ciseaux, je savais, pour les avoir presque tous réalisés, que j'aurais d'ores et déjà un ajustement petites poitrines (SBA) à effectuer sur le patron. J'ai donc cousu rapidos prestos une toile brute et sans charme pour savoir combien de centimètres je devrais reprendre (1 cm). Je me suis donc attelée à la modification du buste pour arriver à l'équivalent d'un bonnet A en suivant les précieuses indications de Sandra. Puis vu qu'il me semblait bien court et bien au-dessus de mon nombril, j'ai également descendue la taille de deux centimètres en suivant ce tuto là. J'aurais dû refaire une toile pour vraiment valider le patron avec ses nouvelles modifications mais j'étais trop pressée de passer à l'étape couture... Première erreur! Je me serais rendue alors compte qu'un 38 à la taille était bien trop grand et que j'aurais pu rester à un 36... Et donc tout reprendre depuis le début...
Mais au fait, connaissez-vous l'histoire du madras?
C'est un tissu qui a pris son nom à la ville de Madras (aujourd'hui Chennai) en Inde ou il était fabriqué à l'origine. Les fibres de bananier tissées artisanalement ont été ensuite remplacées par le coton, plus solide, aux coloris vifs et variés. Alors rare et cher, un français a copié cette étoffe et implanté sa production en France à Rouen au XVIII° siècle. Le madras est arrivé aux Antilles françaises et en Guyane avec des immigrés indiens venus remplacer les esclaves ayant retrouvé leur liberté. Il est devenu un des éléments de la tradition Antillaise et Guyanaise. (cf cet article assez documenté).
Connaissant ainsi un peu mieux mon partenaire de cordée, je me suis attaquée à ce qui me semblait la pierre angulaire de la réussite de cette couture du fait du raccord des carreaux à prévoir : la découpe! Au bas mot, elle m'a pris plus de deux heures : un vrai record historique personnel!! Chloeti du blog Kaffeklatsch ayant récemment réalisé une chemise Archer à carreaux, je me suis aidée de son référencement de tutos, notamment celui de Sewaholic et de Lady Bird. J'ai donc patiemment épinglé mes petites épingles le long de mes lignes de carreaux en vertical ET horizontal (et j'ai bien cry y laisser ma patience et mon capital capillaire).
Ceci fait, j'ai plus ou moins placé les pièces pour voir si d'ores et déjà tout rentrait... Sinon, j'aurais sacrifié les manches, après tout, je ne vais pas dans les saisons les plus froides... Mais heureusement (ou malheureusement) avec un peu de précision et en jouant sur les découpes en biais, tout rentrait parfaitement. Je me suis donc attelé à l'épinglage des pièces. C'est la deuxième erreur que j'ai faite. Avec du recul, dans ce cas-là, il faut couper une seule et unique pièce (le devant ou le dos) et couper toutes les autres en fonction d'elle, en l'apposant systématiquement à côté. Ce n'est pas une erreur catastrophique, mais le raccord sur les côtés n'est pas le meilleur qui soit. Je n'ai également pas compris comment, en biais, positionner mes manches pour qu'elles soient raccord avec mes rayures verticales du corps... j'avais pris comme point de répère le bas de l'emmanchure devant mais je pense qu'avec la pince, cela m'a tout faussé... Bref, au final, je n'y ai passé QUE 2h et j'aurais pu en passer 4... Mais une fois que c'est coupé, ben, pas le choix, il faut coudre.
Là je me suis accordée une petite pause pop-corn / ordinateur afin d'avaler l'ensemble des étapes déjà publiées sur le sewalong - non, je n'étais pas en avance - et de voir ce qui m'attendait par la suite... Tout s'est assez bien passé jusqu'à l'étape 3 de la patte de boutonnage. On était à 3 jours du rendu des copies, j'étais laaaaarge quoi! Et là je me suis rendue compte avec moults cris de désespoir que dans la bataille des raccords... Les horizontaux avaient survécu mais j'avais perdu tous les verticaux!! Ô rage, ô désespoir! Mais il était trop tard pour faire demi-tour et j'avais déjà réalisé la moitié du chemin... A ce stade, mon ami le madras et moi-même n'étions plus très très copain.
Par contre, j'ai kiffé par-dessus tout réaliser mes pattes de capucin et cela a été mon oasis dans mon épopée! C'est un petit truc qui ressemble à rien du tout, pour lequel on reste très dubitative durant toute l'étape de couture, mais une fois qu'il est en place on dit "Oooooooh" avec les yeux émerveillés comme devant un lever de soleil qui réveille une vallée encore toute noire et bouffie de sommeil. D'ailleurs je les ai montrées à tout le monde et continué à les admirer toute la soirée.
J-2. Bon, bon, bon, il reste quoi? Les poignets, les manches, les boutonnières et les boutons? Easy fastoche, avec tout ce que j'avais déjà traversé comme épreuves!! Mais comme dans une course, c'est les derniers mètres les plus longs et j'ai mis toute la journée à réaliser mes dernières finitions. Et encore! Heureusement que j'ai découvert une petite merveille qui se nomme "le pied à boutons". C'est niquel, vous le chaussez, et il vous coud les boutons tout seul comme un grand à la vitesse d'un alpiniste expérimenté! J'ai même fini ma Bruyère juste à temps! (Mais trouvé le moyen d'envoyer ma photo en retard à Sandra...). Vous pouvez aller jeter un coup d'oeil sur les réalisations de mon groupe d'expédition ici.
Du coup, là, remplie d'adrénaline de mon épopée réussie, je suis atteinte d'un syndrome un peu bizarre comme lorsque vous sortez d'un manège ou vous avez cru perdre 2 fois votre estomac, 3 fois votre coeur et votre cerveau n'est plus que purée après avoir rebondi contre les parois de votre crâne : "C'était trop génial!! On le refait, on le refait?"
Parce que sinon, j'ai l'Everest à faire aussi... Hum, une petite veste tailleur... On fait un pique-nique en haut du Mont Blanc avant (en plus, il y a plein de variantes à tester...)?
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